La Lucarne des Ecrivains

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4 Juillet 2008

Les vacances commencent ou approchent pour certains d'entre vous, la librairie La Lucarne des Ecrivains restent ouverte tout l'été pour vous accueillir. Justement, quoi lire cet été en dehors de ces livres ? Difficile exercice et pour ne pas être injuste, nous parlerons des écrivains reçus ou célébrés à La Lucarne, des livres que nous avons lus personnellement ces derniers mois.

Commençons aujourd'hui par les classiques que nous avons remis à l'honneur à l'occasion d'une soirée ou d'un spectacle :

GEORGE SAND dernièrement ( avec la pièce de Simone Balazard "Loin de Nohant") pour laquelle nous proposons de lire "Histoire de ma vie" en intégrale dans la belle collection Quarto, ou bien "Le Compagnon du Tour de France" en poche, "Voyage dans le cristal", texte précurseur du récit fantastique moderne, ou plus rare encore, "Flavie", roman épistolaire et "Marianne" présenté par Marc Tardieu. Voilà pour GEORGE SAND.

Mais si vous préférez la poésie, lisez DANTE, le florentin AlLIGHIERI DANTE en compagnie de Virgile ou de Béatrice, qui
traverse L'Enfer, Le Purgatoire et atteint Le Paradis pour notre plus grand frisson, lisez "La Divine Comédie", en édition bilingue de préférence.

Ou encore le poète MICHEL-ANGE, oui le poète MICHEL-ANGE, l'auteur de Poésies/ Rime atypiques de la Renaissance, que
notre ami Adelin Charles Fiorato a traduit délicieusement aux Belles Lettres.

Ou bien encore revisiter SHAKESPEARE par ses SONNETS, découvrir l'homme amoureux SHAKESPEARE, et découvrir ses
SONNETS dans les différentes traductions. Et pour terminer avec de grands poètes, CHARLES BAUDELAIRE à lire mais aussi à écouter grâce à Michel Desproges qui le chante ou l'accompagne avec Jean-Louis Trintignant dans un superbe CD ;
une petite louche de LAUTREAMONT, celui des CHANTS DE MALDOROR que nous a fait aimés Cécile Duval dans un beau
récital ; FERNANDO PESSOA, à travers ses hétéronymes et ses différentes écritures, le PESSOA du "Livre de l'intranquillité", du "Gardeur de troupeau", de "Lisbonne" ou des "Dialogues sur la tyrannie" comme celui des "Poésies d'Alvaro de Campos" que nous a interprétées à La Lucarne des Ecrivains Marie Lopez...

Un peu de prose me direz-vous ? Vous pouvez sans risque lire LEO MALET dont les quatre forts volumes de ses "Nouveaux
mystères de Paris" en collection Bouquins nous convient dans le Paris pittoresque et policier de Nestor Burma ; mais
aussi le LEO MALET poète surréaliste, comme nous le rappelle Alain Chêne dans sa pièce biographique "T'as bien l'bonjour
de Léo" accompagné d'un DVD d'entretiens.

Découvrir GEORGES HYVERNAUD, l'auteur de "La Peau et les os" (1949) et du Wagon à vaches" (1953) republiés par Le
Dilettante et dont Guy Durliat nous relate la carrière, livres relatant les souffrances de la captivité des prisonniers de guerre, mais aussi une souffrance existentielle étonnamment moderne qui a séduit de nombreux metteurs en scène comme Claude Duneton.

Lire JACK KEROUAC dans ses oeuvres rassemblées en Quarto, comprenant le célèbre "Sur la route" ou les "Clochards célestes" comme bien d'autres romans ou de textes évoquant la Beat Generation ; édition établie par Yves Buin que nous avions reçu pour sa biographie de KEROUAC mais aussi pour son polar en demi-teinte Jedda Blue.

Aborder le philosophe GIORDANO BRUNO (1548-1600) mort brûlé vif à cause de ses idées, à travers la biographie de Bertrand Levergeois, traducteur de nombre de ses oeuvres comme "La Cabale du cheval Pégase", ou bien par le roman biographique "Les lieurs du Bûcher, Giordano Bruno" du bulgare Slavy Boyanov traduit en collaboration par Gisèle Joly...

Lire, lire, lire, mais aussi aimer, prendre le temps d'aimer : c'est pourquoi nous nous arrêterons là pour cette première sélection...

A bientôt !

Armel Louis

La revue Siècle 21
Armel Louis 21.04.08

La revue Siècle 21 aborde depuis 6 ans les différentes sociétés au contact de leurs écrivains, de leur sensibilité
ou de leur analyse. Ainsi, dans le dernier numéro coordonné par Antoine Jockey, c'est la littérature libanaise qui
parcourt l'histoire proche du pays à travers des poètes, des essayistes ou des romanciers contemporains, qu'ils soient
arabophones, francophones ou anglophones. Ces approches peuvent être pointillistes comme Etel Adnan, poétiques comme
Hayan Charara ou Nohad Salameh, analytique comme Elias Khoury. Chacun nous dit d'une manière personnelle leur vécu
ou leur réaction sur un pays au carrefour des religions, des communautés et des guerres. Et, au-delà de ces approches,
ils nous transmettent leur humanité pleine d'amour ou de désarroi.

Extraits :
LE TEMPS QU'IL FAIT
A Beyrouth il n'y a qu'une saison et demie. Souvent l'air est immobile. Je me lève le matin et j'ai du mal à respirer.
L'hiver est moite. Mes os me font mal. j'ai un voisin qui crache du sang quand enfin il pleut.


EGLISE
Nous avons des églises, des mosquées et des synagogues. Toutes vides la nuit sans exception. Le week-end beaucoup de
mouches désertent leurs jardins. Les gens y entrent.


LA POLITIQUE
Ah, c'est trop, bien trop. Une fois j'ai rêvé devenir le nouveau Ibn Khaldoun d'Amérique ou le Tocqueville des
Arabes. Maintenant je travaille pour un journal et couvre la rubrique des faits divers. Et je ne comprends pas pourquoi
il y a des rois sans royaumes et des Palestiniens sans Palestine. Et quant aux nombreux scandales qui ont lieu, je
ne me sens pas concernée. Pourquoi devrais-je être sensible au fait que des voleurs volent d'autres voleurs ? Le
devrais-je ? Etel Adnan, Au coeur du coeur d'un autre pays,Siècle 21 p.23/24

MERE ET FILLE SE NOIENT


La mère dit qu'elle a peur. J'ai peur dit la fille.

La mère dit qu'elle a froid aux pieds.
Moi aussi j'ai froid aux pieds dit la fille.

La mère dit que la voiture s'enfonce.
Oui, la voiture s'enfonce dit la fille.

La mère dit que l'eau est lourde aussi et la fille
répète que l'eau est très lourde. (...)

Ah si j'aimais Jésus dit l'une et l'autre dit
ah si j'aimais Jésus.

Qu'est-ce que ça veut dire :
si j'aimais Jésus ? dit l'une et l'autre
répond qu'elle n'en sait rien.

L'eau est noire dit l'une et l'autre
répète que l'eau est noire.

Mes habits sont de plus en plus lourds dit l'une.
De plus en plus lourds répètent l'autre. (...)

Elle dit qu'elles n'ont presque plus d'air.
Oui dit l'autre on n'en a plus.
Hayan Charara, Siècle 21 p.44/45

 

La "Gouine"
Armel Louis 05.03.08

Lorsqu'une personne pénètre dans la librairie avec un vague manuscrit ou un bouquin de chez un improbable éditeur, je suis partagé entre l'écoute, la curiosité - et l'étonnement qu'on puisse accorder à un libraire de quartier autant d'importance, entre le gourou ou le psy, le critique averti ou le prof, à moins que je doive me ranger dans la catégorie des druides sans barbe ni potion magique. Car que puis-je apporter sinon ma bienveillance, ma bonne ou mauvaise humeur, un avis, un simple avis, une éventuelle lecture ? Mais voilà sans doute ce qu'on souhaite, une lecture, une première lecture en dehors du cercle des amis, un avis croit-on avisé, celui qui vous dira si votre culotte est sale ou excitante.

Tenez ! Catherine Péanne, un pseudo sûrement, m'apportant son livre il y a trois jours, cette sainte Catherine coiffée à la garçonne qui m'explique le pourquoi du comment de cet ouvrage qu'elle a finalement publié à compte d'auteur aux éditions Scripta, moins malhonnêtes que la moyenne, pense-t-elle, un récit forcément autobiographique auquelle elle tient comme la prunelle de ces yeux (délicieuses les prunelles!), bref cette jeune sexagénaire reculant le moment pour me livrer son livre au fronton provocateur, ses entrailles sur papier dédiées à la mémoire de ses ascendants maternels.

La gouine ! ou plutôt La "gouine", drôle de titre guillemeté sous lequel l'on parlera finalement peu d'homosexualité mais surtout de jeux ou de souvenirs interdits, histoires transversales d'enfant, d'ado ou d'adulte écrites d'un trait ferme, sans affect ni complaisance, aux alentours de l'asile de fou familial. La "gouine", c'est-à-dire la poupée de chiffon rebaptisée ainsi par l'énigmatique maman, la gouine ou encore la queen, la reine, l'amante. Est-ce la mère cette reine déchue courant après des jeunes gens de l'âge de son fils ? Ou bien ces grand-mères aimées ou haïes, ces tante et oncle baroques vivant hors normes ? Qu'en est-il de cette anormalité saphique acceptée comme une curiosité, Catherine la catin ou Cathy la libertaire ? La mort rôde jusqu'au bouquet final, trente ans après le suicide de la Mater. La vie aussi, loin des pères, des géniteurs, des amants, loin des hommes.

Curieusement, on retiendra de ce récit les souvenirs générationnels, les jouets, les objets, les gestes, les manies qui partagent les décennies, ce besoin d'aimer éperdument comme un lapin qu'on dépiaute. Une époque heureuse pour ses monstruosités bon enfant.

La "gouine" de Catherine Péanne aux éditions Scripta (180 p., 18 euros)

Extraits

"Je ne m'interroge plus aujourd'hui sur la toute-puissance des mères sur leurs enfants, inversement proportionnelle à la maîtrise personnelle de leur vie, ni sur le rôle des pères, absents ou violents, comme s'il n'y avait d'autre attitude possible. De toutes les façons, les mères finissent par gagner dès lors que leurs enfants perpétuent la lignée. Les mères ne meurent pas vraiment. On dit toujours qu'il faut tuer le père pour devenir adulte. On ne peut pas tuer la mère, elle s'en charge elle-même. Les mères sont là, pour toujours. (...) Inconsciemment ou pas, elle m'a orientée vers la seule voie possible pour se protéger d'une sexualité masculine dévastatrice des liens d'amours. Elle m'a laissée l'explorer à sa place. Que la maternité l'ait tuée, son goût pour l'amour, celui des hommes, ou la dépendance économique, la société d'alors, je n'arrive pas à trancher. (...) Je lui pardonne. J'ai pris mon temps. Encore trop souvent les femmes ignorent qu'elles sont le produit de la société, alors qu'il existe en nous, au plus profond, un être libre et puissant qu'il faut aller chercher, parfois au scalpel, pour l'amener à la lumière. C'est un chemin de souffrance. Si l'homme est nécessaire à la femme pour engendrer, il n'est pas indispensable pour engendrer son enfant intérieur, c'est-à-dire l'âme. Je dois vieillir, ce qu'elle n'a pas eu à faire. Personne ne m'a dit que c'est si difficile." (p.174 à 176)